Je ne
suis pas particulièrement fan de Jimi Hendrix - je connais comme tout le monde
"Hey Joe" et "Purple Haze" - mais j'aime les livres
autobiographiques dans lesquels les artistes se racontent sans le filtre
déformant de la prose journalistique.
J'aime
quand ils s'expriment avec leurs mots à eux, c'est toujours facile à lire, humain,
simple, vivant et cela nous permet de ressentir vraiment leurs états d'âme, leur
vision de leur métier, du monde qui les entoure, de leurs passions, sans
intermédiaires. Et c'est toujours plus intéressant que de lire les potins
impossibles à vérifier, les ragots de gens qui ne les
ont pas connus mais qui nous expliquent que Jimi Hendrix n'était pas propre -
ce qu'on a aussi dit de Marilyn Monroe - et autres considérations du même
genre. Je n'aime pas ceux qui se permettent de salir la mémoire des autres pour
vendre leurs bouquins.
Procédé malsain de plus en plus courant malheureusement.
Au moins, les écrits authentiquement personnels permettent d'entrer dans la
tête de ces artistes passionnants sans passer par les effets de racolage et on
se sent au plus près de leur âme, comme un confident privilégié. J'avais adoré
les Fragments (poèmes, écrits
intimes, lettres) de Marilyn Monroe, qui m'avaient incité à lire sa Confession inachevée avec le même
plaisir (je ferai un post spécial Marilyn prochainement).
Je me suis donc penchée sur
ce livre de Jimi Hendrix (notes, poèmes, journaux personnels, bouts de papier
griffonnés) avec une certaine curiosité et je n'ai pas été déçue. On découvre
beaucoup d'aspects méconnus du personnage : son humour, sa sensibilité, sa
modestie ("je n'ai jamais vraiment été très bon guitariste"), ses
galères hallucinantes, son perfectionnisme, son sentiment de grande solitude
permanent, son insatisfaction artistique constante (il n'arrive pas à reproduire
avec sa guitare ce qu'il entend dans sa tête) et surtout sa pure poésie ! J'ai
été complètement scotchée par la traduction de quelques textes de chansons,
c'est d'une poésie magnifique, très touchante, alors qu'on n'entend jamais
parler de lui pour cet aspect de son œuvre.
Je ne résiste pas à l'envie de vous en mettre
un extrait :
Là, ce
portrait souriant de toi
orne
toujours mon mur grimaçant,
mais je
t'assure que ça ne me dérange, ne me dérange pas tant que ça.
C'est
surtout la pluie de poussière incessante qui m'empêche de bien voir
cette
boucle d'oreille oubliée gisant à terre,
froidement
tournée vers la porte.
Et je
continue à brûler la lampe de minuit, tout seul.
J'ai adoré ses mots d'esprit, comme par
exemple celui-ci, très drôle et très vrai : "J'ai toujours été très
réservé. Un poisson ne s'attire pas d'ennuis s'il garde la bouche fermée".
Il fait souvent preuve de beaucoup d'humour,
ce qui rend la lecture très agréable. A propos de Bob Dylan par exemple : « La
première fois que j'ai entendu Dylan, je me suis dit : "Ce type est
admirable, il faut du cran pour oser chanter aussi faux." Et puis je me suis
mis à écouter les paroles. Ça m'a conquis. »
Il s'amuse de sa fameuse réputation de guitariste
jouant avec ses dents : "Une fois j'ai eu envie, pour rigoler, de me
fourrer des petits bouts de papier dans la bouche avant le concert pour les
recracher sur scène comme si je perdais mes dents !".
Sur le rituel de la guitare sacrifiée
(brûlée) sur scène : "A Monterey j'ai décidé de brûler ma guitare. Je venais
juste de finir de la peindre le jour-même, et je la chérissais. Je l'ai
aspergée d'essence à briquet et ensuite, j'ai piétiné les flammes. Ça s'est super bien passé. Alors, à Washington, j'en ai sacrifié une
autre. Quand on a fait le Hollywood Bowl, ils nous attendaient avec des
extincteurs."
Il porte un regard souvent lucide sur la
société qui l'entoure et le fonctionnement du milieu dans lequel il évolue :
"C'est pas parce que t'as les cheveux bouclés ou que tu mets des pattes
d'eph et des perles que t'es peace and
love. Il suffit pas de lancer des fleurs, faut y croire. C'est un feeling,
et un type en col blanc amidonné peut très bien l'avoir." Ce jeu des
apparences trompeuses est bien d'actualité aujourd'hui.
Enfin, j'ai bien aimé sa critique des médias
et notamment de l'attitude opportuniste de la presse américaine à son encontre
après qu'il ait triomphé en Angleterre : "Je ne fais rien de bien
différent, pourtant voilà qu'on parle de moi dans des magazines comme LIFE et
TIME. Ça me fait un drôle d'effet. Ces gratte-papiers sont les mêmes qui se
moquaient de moi au début. Ah, ah ! Maintenant, je ne suis plus ce crétin de
Jimi, je suis M. Hendrix. Ils tentent de m'analyser et pondent un rapport
psychiatrique qui n'a rien à voir avec moi." Toujours très actuel aussi
non ? ;)
J'ai découvert à travers la lecture de ce
livre un personnage attachant, qui a vécu dans la misère pendant 23 ans et qui
ne savoura son succès que pendant les 4 dernières années de sa courte vie.
On découvre aussi que Hendrix était un
idéaliste, il pensait sincèrement que la musique pouvait changer le monde, ce
genre d'utopie est vraiment propre aux années 60 (et participe grandement à
leur charme).
Le livre révèle la pensée du musicien dans
l'ordre chronologique de sa vie et non pas par thématique.
Ainsi, on découvre sa première
"expérience" dès la page 14 : "Je revois une infirmière en train
de me langer et manquer de me piquer avec l'épingle. Je devais être à l'hôpital
pour je ne sais quelle maladie parce que je me rappelle que je me sentais
patraque. Ensuite elle m'a soulevé du berceau et m'a porté devant la fenêtre,
en me montrant quelque chose dans le ciel.
C'étaient des feux d'artifices,
alors on devait être le 4 juillet. Cette infirmière m'émoustillait, défoncé
comme je l'étais à la pénicilline qu'elle avait dû m'administrer, et je
regardais en l'air et tout le ciel faisait...
S s s c h u u s s s S c h u s h
Mon premier trip !"
Ensuite, on se laisse emporter par son
apprentissage de la guitare (en autodidacte), son passage dans l'armée de l'air
par le biais de sa correspondance avec sa famille (on y apprend qu'il adore les
sauts en parachute), etc. D'ailleurs, il a échappé in extremis au Vietnam : il
a été réformé suite à une blessure au cours d'un saut en parachute juste avant
le début de la guerre. Malheureusement, le destin ne sera pas toujours aussi
clément avec lui par la suite.
Belle découverte donc à offrir aux passionnés
de musique ou à vous procurer pour découvrir avec bonheur la forte personnalité
de cette légende de la musique.
Le livre donne évidemment envie de se
replonger dans l'œuvre de Hendrix, ce que je compte bien faire pendant les
vacances :)
Il a l'air complet
RépondreSupprimerJimi Hendrix pour beaucoup, est une star inaccessible alors que tout nous prouve le contraire.
C'était un guitariste génial !
Je note afin de me le procurer merci pour cet article complet
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