dimanche 18 mai 2014

Astérix : la potion tragique ! Livre sur l'affaire Uderzo.

La loi des seigneurs, de Bernard de Choisy - Michalon - 330 pages - 19,50  

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Attention, ce livre n'est pas une enquête sur "l'affaire Uderzo" mais le témoignage du mari de Sylvie Uderzo (la fille du dessinateur d'Astérix), qui estime que le célèbre co-créateur du héros gaulois est victime de graves manipulations de son entourage professionnel (notaire, avocats, éditeur, etc.) visant à le spolier lui et son mythique personnage - depuis 2007 environ, date à laquelle Bernard de Choisy et Sylvie Uderzo ont été écartés des affaires de la maison d'édition familiale. 

Il faut savoir que l'affaire Uderzo est toujours en cours, une nouvelle audience doit avoir lieu dans quelques mois, sortir un tel ouvrage maintenant peut apparaître comme une tentative désespérée de faire pencher la balance pour sa cause, de faire pression sur la justice par une médiatisation visant à prendre à témoin l'opinion publique (et le lecteur du livre en otage), ce que les juges n'apprécient pas en règle générale. L'écriture de ce brûlot s'imposait sans doute aux yeux de l'auteur, mais ces 330 pages n'ajoutent rien au fait qu'en matière de justice, malheureusement, c'est toujours "parole contre parole". Et "parole écrite contre parole écrite". Son témoignage ne constituera que la parole d'un camp contre la partie adverse dans la procédure, aussi exhaustif, pertinent, intrigant, convaincant et vrai soit-il. 
Bernard de Choisy dénonce les connivences entre le pouvoir (financier, politique, industriel) et la justice française, mais qui cela peut-il étonner aujourd'hui ? 

Je dois dire que ce livre met mal à l'aise pour plusieurs raisons. Un exemple ? Ce grand déballage pourra paraître indécent à beaucoup : l'auteur révèle le contenu des correspondances privées, les clauses de contrats, les sommes gagnées aux Prud'hommes (des centaines de milliers d'euros) ou perçues de la vente au groupe Hachette des parts détenues par sa femme dans le capital de l'entreprise familiale (plusieurs millions), etc. Il qualifie de "bouchée de pain" la cession de la couverture de l'album Le Devin pour 25 000 €, via une association, à destination de ventes aux enchères. Montant de la dernière vente : 193 500 euros. Le commun des mortels comme moi pourra se sentir bien éloigné de cet océan de lamentations et d'injustices pour riches. 

Planche originale de la couverture de l'album Le Devin


Encore plus gênant, à la page 46, l'auteur démontre involontairement qu'il n'a pas respecté la volonté d'Albert Uderzo lorsqu'il travaillait pour lui : en s'en prenant par mail au secrétaire général de la maison d'édition de son beau-père (Bernard de Choisy et Sylvie Uderzo sont mariés depuis 1995)il a pris le risque inconsidéré de se mettre le célèbre dessinateur à dos, puisque celui-ci lui avait bien exprimé son souhait de garder le secrétaire en question jusqu'à la retraite. De Choisy a-t-il péché par orgueil ou par zèle à l'époque ?  

Je ne vais pas rentrer dans plus de détails, chacun pourra se faire son opinion à la lecture du livre. Mais venant de la part d'une personne dont le travail était de servir et de protéger du mieux possible l'image du gaulois, ce texte risque d'écorner le mythe. Difficile après cela de préserver la perception immaculée que nous avons de cette BD depuis notre enfance et que nous transmettons avec délice à nos loulous (ma petite dévore en ce moment le dernier album en date, Astérix chez les Pictes, avec le même plaisir magique j'imagine que notre propre découverte du célèbre personnage).  
Alors bien sûr, il y a sans doute beaucoup de vrai dans ce que dit Bernard de Choisy : les manipulations et manœuvres obscures qui se déroulent en coulisses, dans l'ombre d'Albert Uderzo, paraissent très vraisemblables. Mais la méthode employée dans ce livre - dénigrement total de l'entourage professionnel d'Albert Uderzo, en préservant ce dernier au maximum - ne sert pas forcément l'auteur : il semble minimiser et refouler au maximum le libre arbitre de son beau-père. Prétendre agir pour le bien d'autrui contre son gré, c'est aussi - d'une certaine façon - de la manipulation. La Bande Dessinée d'anticipation S.O.S. Bonheur aborde ce problème de manière très pertinente, je la recommande vivementSelon l'expression psychanalytique, certains ont du mal à tuer le pèreet pareillement Bernard de Choisy semble avoir du mal à tuer le beau-père. 
La Pax Romana espérée par l'auteur devra commencer par une paix intérieure que l'on ne ressent pas vraiment à la lecture du livre, tant le ton est à cran et la contrariété perceptible. Si une preuve doit être apportée que l'argent ne fait pas le bonheur, c'est bien l'existence de ce livre. 

La loi des seigneurs apporte par ailleurs des éclairages passionnants sur les coulisses des adaptations au cinéma des aventures d'Astérix, très révélatrices des guéguerres du show business. 

A lire donc si on veut se faire sa propre idée sur le sujet et si on aime les histoires à la Dallas.  
Et ensuite, pour conjurer cette lecture prenante mais oppressante, quoi de mieux qu'une belle BD d'Astérix pour revenir à l'essentiel : la qualité d'une bonne histoire pour apporter l'évasion et l'imagination nécessaires à notre quotidien comme une dose de vitamines ou de potion magique :)

3 commentaires:

  1. Pascal Louis18 mai, 2014

    Apparemment ça dure depuis des années.
    C'est triste et je n'en comprends pas l'intérêt !
    Sortir ce livre ne permettra pas à Mme Sylvie Uderzo de faire paix avec son père.
    Et ça, Monsieur De Choisy devrait s'en rendre compte.
    On ne guérit pas le mal par le mal...
    Je vais faire comme toi et me détendre avec un bon vieux Astérix pour oublier toute cette animosité !

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  2. A feuilleter je pense, pour les anecdotes.

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  3. Quand on voit que ces gens là vont voir partout où on parle d'eux je préfère m'en passer

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